Analyse

Les femmes boudées par le capital-investissement


Les femmes boudées par le capital-investissement
Dunya Bouhacene, cofondatrice et dirigeante du Women Equity Program. - DR
  • 30 Juin 2020

Les entreprises dirigées par des femmes ne représentent que 5 % des investissements du private equity. Dunya Bouhacene et Sophie Nordmann, du Women Equity Program, expliquent cette sous-représentation.

Est-ce une solitude contrainte ou choisie ? Seule une faible part des entreprises dirigées par des femmes (directrices générales, présidentes, PDG, gérantes, etc.) sont accompagnées dans leur développement par le capital-investissement.

« Les études que nous menons depuis 2009 montrent que les entreprises dirigées par des femmes représentent moins de 5 % des investissements, du capital amorçage jusqu'au capital transmission. C'est un taux très faible, sachant que 30 % des créations d'entreprise sont portées par des femmes, et que près de 20 % des entreprises françaises, de tous secteurs, entre 4 et 150 millions de chiffre d'affaires, sont dirigées par des femmes », indique Dunya Bouhacene, cofondatrice et dirigeante du Women Equity Program , qui a pour vocation de promouvoir les PME de croissance dirigées par des femmes. Une vraie perte de valeur.

« C'est un échec à la fois pour l'industrie du capital-investissement, et pour l'économie en général. D'autant plus important que ces entreprises surperforment : les études montrent que leur EBE est supérieur de près de 3 points (soit un écart de 43 %) à la moyenne des entreprises comparables. Même après la crise de 2008, les entreprises dirigées par des femmes avaient accusé une baisse de chiffre d'affaires de 0,6 %, tandis que la moyenne était à 5 % », souligne Sophie Nordmann, directrice générale des activités de private equity de Women Equity.

Des structures de pouvoir très masculines

Pourquoi une telle désaffection ? « Tout d'abord, parce que les dossiers n'arrivent pas sur les bureaux des spécialistes du capital-investissement, affirme Sophie Nordmann. Aujourd'hui, la part des dossiers propriétaires, non intermédiés, a beaucoup chuté : l'essentiel des cibles arrive entre les mains des spécialistes du private equity via des intermédiaires - banques d'affaires, spécialistes du M & A - ou encore à travers des réseaux d'affaires, des organismes de branche ou des clubs, etc. Autant de structures où les femmes sont très peu nombreuses, pour des raisons historiques, sociétales et comportementales... »

Par ailleurs, certains travers d'analyses historiques persistent incontestablement. « Les sociétés de capital-investissement ont toujours des structures de pouvoir très masculines. Beaucoup de professionnels ont du mal à envisager qu'une femme puisse conduire avec succès des affaires de taille importante... », explique Dunya Bouhacene. Résultat ? Les entreprises dirigées par des femmes paraissent invisibles. « Il y a un vrai travail de cartographie et d'identification à mener pour y accéder », reconnaît Sophie Nordmann.

Prêtes à ouvrir leur capital

Reste ensuite à convaincre, car les femmes dirigeantes semblent plus difficiles que leurs homologues masculins.

« Elles ont en général beaucoup bataillé pour arriver au premier plan, sont parvenues à faire croître leur entreprise dans un univers particulièrement contraint et ont finalement sécurisé l'avenir en faisant très attention à la marge. Elles ne sont donc prêtes à ouvrir leur capital que si on leur propose, en contrepartie, une réelle valeur ajoutée », décrypte Sophie Nordmann, actuellement en cours de levée d'un fonds spécialisé : 150 millions d'euros qui seront exclusivement investis dans des entreprises dirigées par des femmes.

« Nous regardons des entreprises valorisées entre 20 et 200 millions d'euros, pour des investissements, majoritaires ou minoritaires, qui pourraient aller de 7 à 20 millions d'euros », détaille Sophie Nordmann. Le critère majeur ? « La qualité de la vision et de la stratégie ». La base, tous sexes confondus.

Source : Les Echos


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