Femmes dans les conseils d'administration : des lois françaises précurseurs au niveau mondial


Femmes dans les conseils d'administration : des lois françaises précurseurs au niveau mondial
  • 16 Août 2023

Jusqu’à récemment, les conseils d’administration des principales grandes entreprises mondiales étaient quasi-exclusivement composés d’hommes. Les choses ont commencé à bouger il y a une douzaine d’années. Et la France y est pour beaucoup !

2011 : la loi Copé-Zimmermann, une avancée réelle

Si, au fil des ans, quelques rares voix commençaient à se faire entendre, la première grande loi à prendre à bras le corps ce sujet dans l’Hexagone date de 2011, du 27 janvier très exactement. 

C’est en effet ce jour-là, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, qu’est promulguée la loi dite « Copé-Zimmermann », du nom de ses deux principaux auteurs, les députés Jean-François Copé et Marie-Jo Zimmermann. Souhaitant une représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance pour une plus grande égalité professionnelle, elle impose l’instauration progressive d’un quota minimal de 40 % de femmes dans les conseils d'administration et de surveillance. Sont alors concernés exclusivement les conseils d'administration et les conseils de surveillance des entreprises cotées en bourse et des entreprises publiques. Les comités exécutifs et de direction en sont donc dispensés. 

Son non-respect entraîne la nullité des nominations, à l’exception de celles des femmes. Un mécanisme de sanctions financières est également prévu. Un amendement voté à l'Assemblée nationale, qui prévoyait également la nullité des délibérations dans les cas de non-respect des quotas, a été supprimé au Sénat… 

2012 : La loi Sauvadet pour le secteur public

Elle est complétée un an plus tard, le 12 mars 2012, par la loi Sauvadet – du nom du ministre de la Fonction Publique - relative au secteur public.

Les chiffres parlent en effet d’eux-mêmes : cette année-là, les femmes représentaient 60% des agents de la fonction publique, mais 24% seulement des nominations aux emplois de cadres dirigeants - nommés en conseil des ministres - et 31% des nominations aux emplois de direction des administrations centrales. Il n’y avait ainsi que 13 préfètes pour 127 postes territoriaux.

La loi Sauvadet impose, à compter du 1er janvier 2013, un taux minimum de personnes de chaque sexe parmi les nommées pour la première fois aux principaux emplois de l’encadrement supérieur et dirigeant de l’État, des collectivités territoriales et de la fonction publique hospitalière. Ce taux est de 40 % depuis 2017.

2018 : l’index de l’égalité hommes-femmes 

Sous la première présidence Macron, le 22 novembre 2018, la lutte contre les inégalités femmes-hommes en entreprise se dote d’un nouvel outil. C’est en effet à cette date que Muriel Pénicaud, ministre du Travail, et Marlène Schiappa, secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations, dévoilent leur index de l’égalité femmes-hommes.

Sous la forme d’une note finale sur 100, il se compose de cinq grands critères qui évaluent les inégalités entre femmes et hommes dans les entreprises. Comptant pour 40 points, la rémunération est le plus important de ces critères, suivi, pour 20 points, du pourcentage d’hommes et de femmes qui ont perçus une augmentation dans l’année, pour 15 points de l’évaluation des promotions en entreprise, pour 15 autres des éventuelles augmentations accordées aux femmes suite à un congé maternité et pour les 10 derniers à la présence d’au moins 4 femmes dans les 10 plus hauts salaires de la société.

Chaque année, les entreprises françaises de plus de 50 salariés doivent ainsi publier sur Internet leur score obtenu à l’index. S’il est inférieur à 75 %, elles ont trois ans pour se mettre en conformité. Dans le cas contraire, elles sont sanctionnées financièrement jusqu’à 1% de leur masse salariale. Si les conseils d’administration ne sont pas directement cités, l’index permet néanmoins, sans mauvais jeu de mots, de mettre le doigt sur les disparités.

2021 : la loi Rixain et les comités exécutifs et de direction

Le 24 décembre 2021, soit plus d’une dizaine d’années après la loi Copé-Zimmermann, est adoptée, sous la présidence d’Emmanuel Macron, la loi Rixain, du nom de la députée REM Marie-Pierre Rixain, visant à accélérer la participation des femmes à la vie économique et professionnelle.

Elle prévoit plusieurs mesures et étend en particulier le quota des 40 % aux comités exécutifs et de direction. Les entreprises de plus de 1 000 salariés devront ainsi publier chaque année sur leur site internet les écarts éventuels de représentation entre les femmes et les hommes parmi leurs cadres dirigeants et les membres de leurs instances dirigeantes. Objectif : 30% de femmes cadres-dirigeantes et membres des instances dirigeantes en 2027, puis 40% en 2030.

Les entreprises auront deux ans au maximum, à partir de 2027 puis de 2030, pour se mettre en conformité, sous peine de pénalités financières pouvant aller jusqu’à 1% de la masse salariale.

Les écarts de représentation entre les femmes et les hommes seront par ailleurs publiés sur le site du ministère du travail à partir de cette année 2023.

Une Europe à la traîne

Sur le plan européen, le retard est encore flagrant. 

Ainsi, il faut attendre le 22 novembre 2022, il y a moins de six mois de cela, pour que le Parlement européen adopte la directive « Women on Boards » dont la première proposition avait été présentée en… 2012, soit dix ans plus tôt ! 

Ce texte met en place des procédures de recrutement transparentes au sein des entreprises cotées, pour qu’au moins 40% des postes d’administrateurs non exécutifs ou 33% de tous les postes d’administrateurs soient occupés par des femmes d’ici juillet 2026.

En cas de non-respect sont prévues des sanctions en particulier financières ou de dissolution des conseils d’administration fautifs. 

Les PME de moins de 250 employés sont néanmoins exclues du champ d’application de la directive et les États membres ont jusqu’à 2024 pour appliquer ces règles.

La route est encore longue…

Et dans les faits ?

Si l’arsenal législatif se renforce progressivement, les changements sont encore longs à se mettre en place.

Ainsi, dans le privé en 2020, seul un quart des entreprises de l’Hexagone avait une quasi-parité dans ses 10 plus grosses rémunérations.

En mars 2020, alors qu’était publié le deuxième index sur l’égalité femmes-hommes, Muriel Pénicaud soulignait que « dans près d’une grande entreprise sur deux », les hommes représentaient toujours 90% des plus hautes rémunérations et qu’il existait encore 9% d’écarts salariaux entre hommes et femmes à postes et compétences égales.

Dans le public, le constat n’est guère meilleur. Un article des Echos de mars 2022 intitulé « Egalité femmes-hommes : un enjeu d'exemplarité pour l'Etat » pointait ainsi que « l’écart salarial entre femmes et hommes au sein de la fonction publique de l'Etat a été ramené de 13,3 % en 2016 à 11,6 % en 2020. L'an dernier, 42 % des primo-nominations sur des postes de direction concernaient des femmes, contre 37 % en 2019 ».

Pour autant, au niveau européen, les efforts de la France en matière d'égalité dans les entreprises sont soulignés par les experts. Un article paru dans Le Figaro en mars 2020 soulignait alors qu’une étude du cabinet Equileap concluait que l'Hexagone était le pays présentant le meilleur bilan, en termes d'égalité dans les grandes entreprises, devant l'Allemagne, l'Italie ou encore la Suède : « en Europe, seule une entreprise sur dix a une stratégie pour réduire les écarts salariaux. En France, c'est quatre entreprises sur 10 ».

Source : Association femmes ingénieures


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