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Les entreprises de 50 à 250 salariés devront publier en mars prochain leur premier index d’égalité professionnelle. Pour les aider à franchir ce cap difficile, le ministère du Travail dépêche des agents de l’Etat et des ambassadeurs. Il a publié le mardi 5 novembre un simulateur adapté aux PME.
Le compte à rebours a commencé. En mars 2020, les entreprises de 50 à 250 salariés devront faire leur aggiornamento en matière d’égalité salariale femmes-hommes : la loi avenir professionnel leur impose de publier leur premier index. Cet outil mêlant autodiagnostic, plan d’action, et vitrine des pratiques en matière de rémunérations est déjà publié depuis mars par les grands groupes, et depuis septembre par les ETI.
Pour aider les PME à franchir le cap, le ministère du Travail a mis en ligne le mardi 5 novembre un simulateur dédié. Il a aussi dépêché sur le terrain 120 référents des directions régionales des entreprises (Direccte). Enfin, des chefs d’entreprise ont été estampillés « ambassadeurs », à l’instar de Charles Lebaudy, à la tête de la Biscuiterie de l’Abbaye et de ses 270 salariés à Lonlay-l’Abbaye (Orne).
Quatre indicateurs
Si le ministère déploie les grands moyens en matière d’accompagnement, c’est que, pour les PME, la barre est haute. Certes, l’index, publié sous la forme d’une note sur 100, a été réaménagé avec quatre indicateurs au lieu de cinq. Il s’agit de l’écart de rémunération, l’écart de taux d’augmentations individuelles et de promotions, le nombre d’augmentations post-congé maternité et le nombre de femmes parmi les dix plus hautes rémunérations.
Pour autant, l’exercice reste technique pour un dirigeant peu spécialisé en ressources humaines (pondérations, reconstitution de carrières…). En janvier, la Dares estimait que l’index n’était calculable que par 37,1 % des PME. L’absence de données internes et la faiblesse des effectifs compliquent les mesures de comparaison femmes-hommes. « Certaines risquent d’avoir des difficultés à aboutir », euphémise Tassadit Tehara, qui suit le dossier à la Direccte Ile-de-France.
Loi des petits nombres
Les PME seront-elles bonnes élèves ? En septembre, 68 % des ETI avaient répondu, et obtenu une note moyenne de 82. « Beaucoup ont achoppé sur deux points : la hausse de rémunération au retour de congé maternité – qui est pourtant une obligation légale -, et la part des femmes parmi les dix plus hautes rémunérations. Dans les PME, cela risque d’être amplifié », anticipe Françoise Le Rest, consultante en égalité professionnelle au sein du cabinet Perfégal.
Difficile d’obtenir les 10 points liés au passage du fameux « plafond de verre » quand la direction se partage entre membres d’une même famille. A la Biscuiterie de l’Abbaye, c’est le départ en retraite du PDG qui a réintroduit de la mixité. « La ‘loi des petits nombres’ complique les choses, que ce soit pour le calcul de l’index ou la mise en oeuvre des mesures », souligne Armelle Carminati-Rabasse, présidente du comité Entreprise inclusive au Medef.
La Biscuiterie de l’Abbaye a eu beau décrocher un index de 93 sur 100, elle a « quand même rencontré des soucis » de l’aveu même de Charles Lebaudy. Qui insiste : « Il faut veiller à ces questions à chaque instant de la vie de l’entreprise. » Et le dirigeant de citer en exemple une récente opération de croissance externe qui a occasionné la reprise de dix salariés, « tous des hommes ». Ou la difficulté de promouvoir et de recruter des femmes dans le secteur très masculin de la boulangerie, qui les a conduits à mettre en place des mesures volontaristes.
Biais de recrutement
« La notion d’évolution est souvent très abstraite dans les petites entreprises : les mouvements de personnel sont rares, les dirigeants ont peu de moyens pour fabriquer des promotions et proposer des formations », rappelle Armelle Carminati-Rabasse. S’y ajoute parfois, estime-t-elle, « une forme d’angélisme, les dirigeants pensant de bonne foi ne pas pratiquer de discrimination ». En 2016, les PME étaient à la traîne puisqu’à peine une sur trois était couverte par un plan d’action ou un accord égalité, contre 84 % des grands groupes. « Les PME sont moins avancées : bien souvent, pour elles, cette question se résume à celle de la mixité ou de la rémunération. L’index a le mérite de remettre ces questions au centre », abonde Françoise Le Rest.
Il permettra aussi aux entreprises de prendre le taureau par les cornes. « Au départ, cet index a beaucoup contrarié les dirigeants d’ETI, qui y ont vu une nouvelle contrainte. Aujourd’hui, ils sont satisfaits de disposer d’indicateurs fiables dont tout le monde peut s’emparer, y compris les organisations syndicales », note Tassadit Tehara. A ceux, nombreux, qui ne savent par où commencer, le Medef propose de travailler dans un premier temps sur les biais en matière de recrutement. « Rien qu’en repensant les annonces, on peut susciter des candidatures féminines. »
Laurence Albert
Source : Les Echos