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Seulement 29% de femmes dans l'industrie et moins de 20% dans les postes de direction. Les pouvoirs publics et les entreprises se mobilisent pour gagner en parité.
Mardi 21 juillet, Agnès Pannier-Runacher, désormais ministre déléguée à l'Industrie, recevait le "Guide des bonnes pratiques innovantes en matière d'égalité femmes-hommes dans les entreprises", en présence d'Elisabeth Moreno, la toute nouvelle ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes. Le signal d'une forte mobilisation gouvernementale en faveur de la parité dans un secteur accusant un gros déficit. Les chiffres n'ont pas évolué depuis dix ans... malgré moult études, rapports et préconisations. Le Guide espère faire bouger les lignes en proposant 30 bonnes pratiques, exemples réussis à l'appui, pour attirer plus de femmes dans l'industrie, les garder et leur permettre d'évoluer.
Un enjeu de compétitivité
Tout a commencé en mars 2019, avec la création du Conseil de la Mixité et de l'Egalité Professionnelle dans l'Industrie, composé de représentants du secteur (dirigeants d'entreprises, spécialistes RH, représentants syndicaux et des branches professionnelles), chargés d'étudier les causes et les solutions pour pallier le manque de talents féminins. Après avoir travaillé sur les questions d'éducation et d'orientation scolaire, puis sur le recrutement des femmes dans les entreprises industrielles, ils se sont attaqués à la gestion des carrières pour permettre aux professionnelles de réaliser leur potentiel. Et les inciter à rester en poste.
Cela répond à une double urgence, selon Agnès Pannier-Runacher : "La place des femmes dans l'industrie est un enjeu de société mais c'est également un impératif économique et de compétitivité pour nos entreprises, affirme-t-elle. Les études le prouvent : plus de mixité au sein d'une entreprise, c'est plus de performance." Et Elisabeth Moreno d'ajouter qu'individuellement, c'est permettre aux femmes d'être mieux rémunérées en moyenne dans un secteur porteur, et de rattraper l'écart global avec les salaires perçus par les hommes. De quoi éviter à beaucoup d'être aussi la variable d'ajustement de la crise économique qui s'annonce.
Plafond de verre et paroi de verre
A plus d'un titre, il faut donc compter davantage sur les femmes dans l'industrie, en les aidant à percer à la fois le plafond de verre par leur présence renforcée aux postes de direction, et la paroi de verre pour
éviter leur concentration dans les fonctions de support. Elles sont
attendues aux commandes et sur l'opérationnel. Un certain nombre de
mesures juridiques devraient permettre de progresser, comme la loi Copé-Zimmermann imposant un quota dans les conseils d'administration, ou l'Index Pénicaud mesurant
les écarts de salaire, notamment pour mieux les corriger. Mais encore
faut-il baliser le chemin, en accompagnant concrètement les
professionnels de l'industrie dans une démarche de sensibilisation et de
conseil. Telle est la vocation du Guide.
Le document a été rédigé à la suite de nombreux entretiens menés par les membres du Conseil de la Mixité avec les acteurs du terrain sur leur expérience, avant d'être mis en consultation auprès des 18 filières industrielles françaises, des membres du collectif IndstriElles et des Territoires d'Industries. De grands groupes comme de petites entreprises ont ainsi été sollicités. Ce dispositif participatif a permis de repérer les bonnes initiatives pour les partager afin d'inspirer d'autres acteurs. Et le résultat se veut à la fois pratique, concret et incarné.
Valoriser les pratiques exemplaires
Le document propose d'abord un quiz aux entreprises pour faire le point sur leur situation, avant de lister 30 propositions. Certaines ne datent pas d'hier ou rappellent inévitablement des évidences : intervenir dans les collèges et lycées, participer à des forums d'orientation, mieux communiquer sur les réseaux, publier son Index d'Egalité Professionnelle chaque année, articuler vie pro et vie perso... Il faut bien les rappeler. Beaucoup méritent aussi d'être soulignées : former les recruteurs sur les biais inconscients qui orientent la sélection des candidats ; veiller à équilibrer les promotions et augmentations accordées aux hommes et aux femmes ; former ces dernières à la négociation salariale pour réduire les écarts de salaire ; mener une réflexion sur les stéréotypes de genre et le harcèlement ; prévoir des espaces d'expression anonyme ; favoriser la présence de femmes à toutes les strates des organisations syndicales et patronales...
Toutes les bonnes pratiques proposées s'appuient sur le témoignage d'acteurs les ayant développées avec succès. Cela change sensiblement la donne, pour le lecteur en quête de solutions... tout comme pour l'entreprise modèle ainsi mise en avant dans le Guide. Il faut croire à la force du "Name and Celebrate"! On découvre ainsi que Renault a conçu des tenues de travail tenant compte des différences morphologiques entre les hommes et les femmes, et vise à réduire les contraintes physiques liées à certains postes. Tandis qu'EDF a élaboré des kits de sensibilisation clé en main sur le sexisme adressés à l'ensemble de ses chefs d'équipes, managers. Pfizer dispose d'un programme Female Aspiring Talent Europe (FATE) permettant à ses collaboratrices de développer des compétences professionnelles et personnelles. Côté syndicats, CFE-CGC a créé un MOOC sur l'égalité professionnelle, d'ailleurs accessible gratuitement.
Le point délicat des instances dirigeantes
Mais rien sur d'éventuels quotas de femmes aux comités exécutifs et de direction. Dommage... L'idée est pourtant dans l'air. Sauf que le vivier de candidates ne serait pas assez important, il faudrait commencer par féminiser globalement les effectifs... C'est en tout cas l'argument communément avancé. La suggestion de ces quotas a pourtant été faite par des représentants d'associations, de réseaux de femmes ou de collectifs comme IndustriElles, au cours de la phase de consultation pour la rédaction du Guide, mais elle n'a finalement pas été retenue.
Lors de la présentation à Bercy, deux femmes PDG de grands groupes de l'industrie ont pourtant témoigné de la féminisation de leurs instances dirigeantes : Christel Bories, qui dirige Eramet, une entreprise minière et métallurgique, annonce 38 % de femmes dans son comité exécutif; de son côté, Emmanuelle Quiles à la tête de la société pharmaceutique Jansen affiche un score de 65%. C'est donc possible ! Le Guide étant appelé à évoluer et à s'enrichir de nouvelles propositions, on pourrait y voir un jour figurer la recommandation de quotas... si ceux-ci ne sont pas un jour imposés par la loi.
Source : L'Express