Naomi Osaka, nouvelle coqueluche du tennis féminin


26 Janvier 2019

En remportant son deuxième titre d’affilée en Grand Chelem à l’Open d’Australie ce samedi, la joueuse de tout juste 21 ans connaît une popularité croissante et internationale. Sa trajectoire fascinante n’a pas manqué d’interpeller les annonceurs.

Ce lundi 28 janvier, elle sera officiellement numéro un mondiale. La jeune tenniswoman, déjà sacrée à l’US Open il y a quatre mois, n’est que la troisième joueuse depuis quinze ans, hors Serena Williams, à s’imposer dans deux tournois majeurs consécutifs, après les Belges Kim Clijsters et Justine Hénin. En septembre dernier, les différentes polémiques nées de la brouille entre Serena Williams et l’arbitre de chaise lors de la finale de l’US Open avaient bien failli éclipser l’essentiel : la victoire de Naomi Osaka. Cela ne sera pas le cas cette fois-ci. Car la jeune joueuse d’à peine 21 ans est inspirante à plus d’un titre.

À commencer par son histoire familiale. Née en 1997 à Osaka (cela ne s’invente pas), d’une mère japonaise, Tamaki Osaka, et d’un père haïtien, Léonard François, venu au Japon pour ses études. Naomi a 3 ans lorsque la petite famille (elle a une grande sœur, Mari) émigre aux États-Unis, direction New York. La raison est malheureusement simple : du côté maternel, on ne goûte guère à la relation qu’entretient leur fille avec Léonard. Comme l’explique le New York Times dans un papier consacré à l’athlète, «l’obsession d’une partie du Japon pour la pureté raciale a façonné sa propre histoire familiale». Le père de Tamaki ne supporte pas que sa fille voie un étranger, a fortiori noir, et lui reproche de «déshonorer la famille». Une brouille qui durera plus de dix ans.

Une ascension fulgurante

Naomi Osaka a 9 ans lorsque la famille déménage en Floride, l’endroit idoine pour que Léonard, inconditionnel de tennis, puisse pousser ses filles dans cette voie. La fascination qu’éprouve Naomi pour Serena Williams date de cette époque. Rapidement, la jeune fille montre des prédispositions étonnantes. En 2016, à tout juste 18 ans, elle se hisse au troisième tour lors de trois tournois du Grand Chelem : l’Open d’Australie, Roland-Garros et l’US Open. Son coach actuel, Sascha Bajin, également ancien partenaire d’entraînement de la championne américaine, est admiratif. Avant même le début de l’US Open, il confiait au New York Times : «J’ai tapé dans la balle avec Serena presque tous les jours pendant huit ans et la puissance de Naomi est équivalente. Je crois beaucoup en elle», prophétise-t-il.

Et il ne se trompe pas. En 2018, sa carrière prend un tournant remarquable. En quelques mois, elle parvient à battre plusieurs joueuses parmi les meilleures du monde, remporte le Master 1000 d’Indian Wells en mars, l’US Open en septembre, face à son idole de toujours, puis l’Open d’Australie ce samedi 26 janvier.

Une performance historique

Elle devient ainsi la plus jeune tenniswoman du top 20 et le premier athlète japonais – hommes et femmes confondus – à remporter un tournoi du Grand Chelem – et, à fortiori, deux d’affilée. Ce lundi 28 janvier, elle deviendra officiellement numéro un mondial. En septembre dernier, le déroulé du match ne lui avait pourtant pas permis de profiter pleinement de sa performance. Bonne joueuse, elle n’en avait pas tenu rigueur à Serena Williams. «Elle a été très gentille avec moi au filet, sur le podium, avait-elle expliqué. Je ne vois pas pourquoi cela changerait mon admiration pour elle.»

Une admiration qui ne date pas d’hier. Alors qu’elle est en classe de CE2, elle fait une présentation sur la championne américaine, expliquant qu’elle voudrait lui ressembler. D’où le sentiment quelque peu ambivalent qu’elle ressent au sortir de cette finale, des années plus tard. « Je sais qu’elle voulait vraiment remporter son 24e Grand Chelem. Tout le monde le sait. Il y a les publicités partout, partout où on va. En revanche, quand je rentre sur le court je me sens différente. Je ne suis plus sa fan, c’est une joueuse de tennis et moi aussi. Mais quand elle m’a enlacée au filet … Je me suis sentie comme une petite fille à nouveau», explique-t-elle, émue.

Un caractère attachant

«Elle est très dure avec elle-même, plus qu’elle ne devrait l’être, explique son coach au site Espn. Pour une jeune fille de 20 ans, réussir à rester aussi humble…Figurez-vous qu’on est allé au cinéma pour célébrer sa victoire à Indian Wells !». La jeune femme ne boit pas d’alcool.

En dehors des courts, Naomi Osaka fait montre d’une grande retenue et timidité. Elle fuit les conversations, les réunions de groupe. De son propre aveu, la joueuse se caractérise comme une «geek» aimant jouer aux jeux vidéo jusque tard dans la nuit. Nerveuse avant les grands matchs, elle apparaît pourtant calme et sereine une fois sur le court. Jouer devant des milliers de personnes ne l’effraie pas, elle prend du plaisir à recevoir les acclamations du public et se sent pousser des ailes quand la foule est contre elle. Mais qu’elle gagne ou qu’elle perde, la tenniswoman reste humble et calme. Elle s’excuserait presque d’être là. Même après sa victoire contre Serena Williams : «Je sais que tout le monde était derrière Serena et je suis désolée que cela ait dû se terminer comme cela».

La nouvelle coqueluche des marques

Son profil a tout pour plaire. Jeune métisse, née au Japon et ayant grandi aux États-Unis, elle possède également la nationalité américaine mais représente seulement le Japon en compétition. Son père originaire d’Haïti – lui a transmis une réelle appétence pour la cuisine créole – et l’a poussée à jouer sous la bannière japonaise. Naomi Osaka est, pour certains, un modèle et le symbole d’un monde multiculturel apaisé.

Et les annonceurs ne s’y sont pas trompés. Le 13 septembre, elle a signé un contrat avec le constructeur automobile japonais Nissan et devient officiellement ambassadrice de la marque. Selon des indiscrétions du Times, elle serait également sur le point de signer à contrat de plus de 8 millions d’euros avec Adidas. Ce qui constituerait un record pour une femme avec l’équipementier allemand. Et la propulserait instantanément parmi les sportives les mieux payées de la planète. Et sa place de numéro un mondial, qu’elle obtiendra officiellement lundi 28 janvier, va lui ouvrir encore d’autres perspectives.

Initialement publié en septembre 2018, ce papier a fait l’objet d’une mise à jour

Lucas Latil

Source : Madame Figaro