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La Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) se décline à trois niveaux : à l’égard des salariés, de la société et de l’environnement. L’adoption d’une démarche de RSE peut être motivée par la pression de la réglementation ou/et la pression de la société ou des investisseurs. Elle peut procéder aussi d’un impératif interne lié à des valeurs. Elle constitue bien souvent un facteur d’engagement durable des collaborateurs et d’attachement des consommateurs et parties prenantes.
Le 19 février, un article au titre évocateur : Pourquoi les femmes sont les vraies leaders du changement responsable en entreprise était publié dans The Conversation par Catherine Pourquier et Jacques Igalens[1] qui utilisent la théorie de l’identité sociale pour expliquer que les femmes dirigeantes seraient plus éthiques et cherchent à aligner valeurs personnelles et valeurs de l’entreprise en termes de Responsabilité Sociétale des Entreprises. « Il apparaît selon les recherches actuelles et notamment la théorie de l’identité sociale que les femmes ont tendance assez naturellement à s’identifier à des traits moraux tels que « juste », « honnête », « généreux » et « gentil ». »
Michel Ferrary, honoré collègue et Professeur de Management des Ressources Humaines à l’Université de Genève évoque lui une aversion au risque de la gent féminine, confirmée par les études de Booth et Nolen (2009), Byrnes et al. (1999) et Eckel et Grossman (2002). Une enquête de Saint-Pierre et al. (2011) permet aussi de conclure que les femmes ont une attitude plus favorable au développement durable que les hommes, posant l’hypothèse d’une proximité des valeurs féminines et des valeurs du développement durable.
Ayant réalisé une série de travaux dès 2011[2] sur les Femmes, l’ambition et le pouvoir, à partir d’une base de 50 interviews qualitatifs qui interrogeaient des femmes en position de pouvoir en entreprise, politique ou dans d’autres organisations dont les premiers résultats ont été retestés ensuite[3] dans divers réseaux professionnels féminins dont les promotions du Women Board Ready EXEC de l’ESSEC, j’en tire quelques éléments qui démontrent le lien entre Femmes- Ethique et RSE.
C’est un trait caractéristique des réponses : « I would like to see the concept of accountability spread wider to more levels of the organization », “Power should be linked to responsibility as power is the capacity to do things which have an impact on other people’s life. Unfortunately, it is not always the case”, Ce sentiment de responsabilité se traduit à trois niveaux: Le devoir de participer au changement d’un système de gouvernance (d’entreprise ou politique) non satisfaisant, l’absolu respect des règles et principes éthiques et pour certaines une responsabilité particulière à l’égard des autres femmes, notamment la jeune génération. Une Responsabilité particulière attachée au pouvoir de changer les choses
Au-delà des différences de cultures et d’horizons sont partagées :
● La vision d’une gouvernance idéale
● Le sens éthique
● La conscience forte des responsabilités personnelles
● Une orientation stakeholder
● Et une aversion au Risque mais du courage
Dans toutes les interviews, le respect des règles mis en avant et plébiscité. Les règles et le cadre sont identifiés comme un moyen de protection contre l’arbitraire, les abus de pouvoir en tous genres.
Selon Maryse Dubouloy, Professeure Associée, Département Management de l’Esses « Les règles permettent de structurer, de permettre les relations et de mettre des limites. Les femmes ont le sentiment que les règles sont violées en permanence par une logique informelle de « pouvoir sur » et non de « pouvoir de ». Elles ont longtemps souffert de ça et cela explique surement en partie pourquoi elles cherchent davantage à mettre plus de règles. »
Cette idée est partagée par Sabine Lochmann, désormais Présidente de Vigeo Eiris : « La loi et l’éthique sont les deux freins au pouvoir qui s’imposent à moi. Une autre dimension va résider dans ce qui ressort pour moi de l’intérêt général et de l’équilibre entre les pouvoirs au sein du Conseil d’Administration… Les règles au sein de l’organisation sont indispensables et nécessaires au bon fonctionnement, à la transparence et à la pérennité. »
Mais l’impact des femmes n’est envisageable que si elles atteignent une proportion minoritaire suffisante. Selon Rosabeth Kanter en 1977, puis Serge Moscovici en 1996 établissent qu’il faut qu’un groupe social atteigne une taille critique pour influencer le fonctionnement d’une organisation, changer la nature des interactions et modifier la dynamique de groupe. Ils se rejoignent sur environ 1/3 comme taille minimale d’une minorité pour influencer le comportement du groupe.
Verbatims :
Pensez-vous contribuer au changement ?
- Toute mon action est tournée vers le changement pour anticiper si possible, ou au mieux accompagner, les mutations économiques, sociales, politiques, environnementales, culturelles du monde dans lequel nous vivons, et qui sont en constante accélération. C’est mon éthique.
- Le développement durable de l’entreprise au sens large du terme est clef à la fois vis-à-vis des clients mais aussi de ses salariés comme des parties prenantes dont le regard et la possible sanction vis-à-vis d’une entreprise en absence de conformité peut être fatale à cette dernière.
Pensez-vous que les femmes ont des qualités particulières ?
- Les Femmes expriment les problèmes très concrètement, très motivées par l’Intérêt commun et osent poser des questions…notamment sur les aspects RH.
- Les femmes ne sont pas dans le jeu de rôle, mais cherchent à remplir leur mission en âme et conscience. Elles peuvent avoir plus de courage pour interpeller, faire réagir, faire évoluer progressivement les choses en étant "business-oriented".
- Les femmes sont dans la sincérité, l’efficacité, pas dans le jeu de rôle. Elles sont intéressées par le projet à conduire, le sujet est la finalité de leur engagement et pas un prétexte pour se mettre en avant. Les femmes sont souvent courageuses, sincères et efficaces- Je suis une femme engagée : je me consacre au bien de l’entreprise pour laquelle je travaille et des gens qui la composent, plutôt qu’à mon propre profit personnel.
Quelles limites au pouvoir ? Règles légales - Ethique dans l’exercice du pouvoir ?
- Indispensables et nécessaires à son bon fonctionnement, à sa transparence, a sa pérennité. Des règles éthiques, des valeurs et l’ouverture d’esprit.
- Je préfère l’éthique à la loi… car l’éthique doit se vivre de l’intérieur et ne pourra jamais s’imposer totalement si les personnes concernées à titre individuel ou collectif ne sont pas persuadées une à une dans l’organisation. L’éthique est l’affaire de tous.- Je suis très attachée aux règles relatives à l’équité, et à la justice et à la générosité dans le partage des résultats.
- « Etre homme, c’est être responsable » disait St Exupéry, et décider c’est prendre la responsabilité de la décision, de ses conséquences, d’assumer les risques dans un contexte rempli d’incertitudes.
Que signifie pour vous un comportement éthique des entreprises ?
- Le respect de la loi. La responsabilité vis-à-vis des collaborateurs de la société, de l’environnement. Le partage de valeurs en tenant compte des enjeux. Le partage des ressources pour construire un ensemble harmonieux dans le respect des uns et des autres.
- Une vision de long terme allant dans l’intérêt collectif.
- Le
comportement éthique de l’entreprise passe par l’exemplarité des équipes
dirigeantes. Les entreprises affichent leurs valeurs, elles doivent être
cohérentes.
- Il faudrait introduire la notion du profit vertueux ». Donner du sens au projets de l’entreprise en la replaçant dans son environnement, son écosystème social, culturel …
Viviane de Beaufort, Professeure à l’ESSEC, fondatrice du Women Empowerment programme CEDE (Centre Européen de Droit et Economie) et du Women Board Ready EXEC de l’ESSEC
[1] https://theconversation.com/profiles/catherine-pourquier-683248 et https://theconversation.com/profiles/jacques-igalens-330720
[2] https://www.boyden.com/media/women-and-their-relationship-to-power-169220/etude_francais.pdf.[http://gender.vivianedebeaufort.fr/diversite-des-conseils
[3] Towards a mixed power model versus a change in mode of leadership and governance ? Journal of Research in Gender Studies 2014, pp. 101–140 ISSN: 2164-0262Women on Boards: Sharing a Rigorous Vision of the Functioning of Boards, Demanding a NewModel of Corporate Governance- VIVIANE DE BEAUFORT - LUCY SUMMERS