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La capsule «Crew Dragon» de SpaceX s'est arrimé à la Station spatiale internationale le jeudi 28 Avril 2022 pour un séjour de six mois avec, à son bord, la première femme astronaute noire à en fouler le sol.
Jessica Watkins n’est pas très réseaux sociaux. Sur ses profils, quelques dizaines de photos tout au plus, à mille lieues des plus grandes stars du milieu de l’espace suivis par des millions d’internautes. Sa première photo Instagram est celle d’une exploration avec ses collègues de la Nasa, en 2019, accompagnée de cette phrase : «Je suis si honorée d’être membre de la Nasa et impatiente de la suite.» Au moment où elle écrivait ses lignes, Jessica Watkins pouvait-elle imaginer que, trois ans plus tard, elle serait la première femme noire à s’envoler vers la Station spatiale internationale (ISS) ? Elle s’est envolée le mercredi 27 Avril dans la nuit dans le cadre de la mission Crew-4, à bord d’un vaisseau SpaceX qui devrait s’arrimer à la Station spatiale internationale jeudi.
Trente-trois ans plus tôt, l’astronaute voyait le jour dans la petite ville pavillonnaire de Gaithersburg, en banlieue de Washington. Mais c’est à Lafayette, dans le Colorado, qu’elle grandit. Là, au milieu des paysages rocheux des Canyons qui dessinent l’horizon, la petite fille développe une passion pour la géologie et se met à rêver d’espace. Même la tête dans les nuages, Jessica Watkins suit un parcours scolaire sans fautes, qu’elle achève avec un diplôme de la prestigieuse Université Stanford et un doctorat de l’Université de Californie, où sa thèse porte sur les glissements de terrain sur Mars.
En 2012, la jeune femme commence à travailler avec la Nasa sur le projet «Mars Curiosity», une mission d’exploration de la planète Mars. Cinq ans plus tard, sur plus de 18 000 candidatures, elle est repérée par le mastodonte de l’aéronautique et intègre le «groupe d’astronautes 22» de la Nasa, avec 11 autres candidats. Pendant deux ans, elle suit alors un programme de préparation aux missions spatiales. Spéléologie, plongée, stages de survie à l’autre bout du monde… Une intense préparation physique à un futur voyage dans l’espace. Il ne lui manquait plus qu’un galon : le patch Nasa floqué de son nom et de celui de la mission qui la conduirait pour la première fois dans la Station spatiale internationale. C’est désormais chose faite.
Car réussir à intégrer le milieu très fermé de la spatiologie est un parcours du combattant pour n’importe quelle femme, elles qui représentent 10 % seulement des astronautes. Mais il l’est encore davantage en tant que femme noire. Si elle est la première à rejoindre l’ISS, elle est également la cinquième femme noire à aller dans l’espace, trente ans après Mae Jemison, en 1992. «Devenir astronaute de la Nasa, j’en rêvais depuis très longtemps, depuis que je suis toute petite même, mais je ne pensais pas y arriver un jour», a d’ailleurs affirmé en conférence de presse celle qui a commencé au sein de l’agence aéronautique en qualité de stagiaire. Avant d’ajouter : «Je pense que cette mission est vraiment un hommage de l’héritage des femmes astronautes noires qui m’ont précédée, ainsi qu’à l’avenir passionnant qui nous attend.»
Entraîneuse de l’équipe de basket de son université et un temps joueuse pro dans l’équipe nationale de rugby à sept des Etats-Unis, Jessica Watkins a le goût de la compétition. «Chaque fois qu’elle a le ballon dans la main, elle peut marquer», pouvait-on lire dans un article de presse sportive de 2009, année où elle dispute la Coupe du monde avec les USA Eagles. De ses années sportives, elle tire un enseignement. Celui d’avoir conscience que «chaque joueur apporte quelque chose de différent, et que toutes ces forces sont nécessaires à la réussite d’une équipe de rugby. Comme dans l’espace». Si l’esprit d’équipe est essentiel lorsque l’on reste six mois en orbite terrestre avec des confrères, la diversité des profils des astronautes l’est aussi pour faire avancer la recherche scientifique.
Avec cette mission dans l’ISS, Jessica Watkins le rappelle, elle entend montrer le chemin car il faut que «les jeunes filles de couleur puissent voir un exemple de la façon dont elles peuvent participer et réussir». La route est longue. En attendant, l’astronaute va devoir se concentrer sur son travail au sein du programme Artemis de la Nasa, qui vise à faire marcher à nouveau l’homme sur la Lune en 2025. Et peut-être que cela sera, cette fois-ci, une femme noire.
Source : Libération