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Elle suppose de changer des biais de comportement, masculins et féminins, pour créer peu à peu en interne un vivier de candidates ayant les compétences et l'expérience suffisantes pour postuler à égalité avec les hommes aux fonctions les plus élevées.
Un tel vivier qui fait aujourd'hui cruellement défaut dans certaines organisations, où, en interne, les cadres susceptibles d'entrer au comité exécutif restent pour l'essentiel des hommes. Pour changer les choses, les grandes entreprises explorent plusieurs solutions.
Impossible de promouvoir des femmes si aucun profil féminin n'est en lice pour certains postes. Pour affirmer l'égalité des chances entre homme et femme, Sandrine Conseiller, directrice des vêtements de loisir Aigle depuis 2019, met la pression sur les cabinets de recrutement.
«Pour tous les postes de leadership dans l'entreprise, explique cette ancienne d'Unilever , nous leur demandons des profils diversifiés, et autant de candidates que de candidats, pour que nous puissions choisir les meilleurs. »
Bien sûr, les profils féminins sont rares sur le marché pour ces hauts postes. «Ce n'est pas facile d'en trouver mais c'est possible. Les cabinets de chasseurs de têtes ont un rôle clé à jouer dans cette identification», insiste-t-elle. Une « short list » plus équilibrée qu'autrefois est ainsi devenue une règle dans de nombreuses entreprises.
C'est le cas par exemple chez le groupe d'électroménager SEB. « Nous voulons obligatoirement une femme parmi les candidats qui restent en lice aux dernières étapes du processus de sélection » détaille Thierry de la Tour d'Artaise. Le PDG du groupe français se dit « philosophiquement opposé au système des quotas ».
Mais il estime « qu'une discrimination positive est nécessaire pour aller vite ». À condition toutefois que les pourcentages de femmes à respecter et les délais soient raisonnables « pour ne pas être contre-productif » précise-t-il.
Les entreprises essaient chaque année d'anticiper leurs besoins des prochaines années et d'identifier les collaboratrices «à potentiel». Objectif: leur permettre de progresser, et d'élargir leurs compétences pour parfaire leurs profils.
« Nous passons en revue quelque 10 000 postes chaque année et nous nous forçons à réfléchir à la mobilité en cherchant les femmes susceptibles de prendre la relève des collaborateurs qui partiront à la retraite », témoigne Thierry de la Tour d'Artaise.
La plupart des grands groupes ont organisé des échanges réguliers entre les membres du top management et certaines de leurs collaboratrices. Chez SEB, par exemple, une quarantaine de femmes ont un mentor parmi les membres du comité exécutif ou les managers juste en dessous. Un chef de produit par exemple peut être coaché par le N+ d'un autre service.
Chez BASF France, des sessions de coaching individualisées de dix mois ont été mises en place pour six candidates à chaque fois avec les plus hauts dirigeants du groupe.
Ces cadres peuvent ainsi mieux appréhender les obstacles qui freinent la carrière des femmes (plafond de verre, charges de famille, difficultés à se faire entendre dans un monde d'hommes).
Surtout, ils aident les « mentorées » à surmonter leurs difficultés, à prendre confiance en elles, à élargir leur réseau, à mieux piloter leur carrière et, au passage, à se familiariser avec des postes de haut vol. Elles comprendront ainsi qu'ils ne leur sont pas inaccessibles.
Dans certaines entreprises, le mentorat se fait aussi entre femmes, les plus expérimentées épaulant les plus jeunes. Aigle a, par exemple, utilisé ce dispositif « pour permettre aux femmes de se projeter dans l'organisation car parfois, elles manquent de modèles à suivre », souligne Sandrine Conseiller. Surprise, des hommes se sont aussi inscrits à ce programme dont le but est de faciliter les échanges dans le groupe.
Quand les modèles de réussite au féminin sont très peu nombreux ou pas assez mis en valeur, certaines entreprises tentent aussi d'y remédier avec des « rencontres inspirantes ».
Pour inciter les jeunes diplômées à s'orienter vers les fusions-acquisitions (le Deal), métier masculin qu'elles ont tendance à bouder, KPMG a lancé le programme «Women in Deals» : pendant trois jours, chaque année, des associées du cabinet spécialiste de cette activité font preuve de pédagogie auprès d'étudiantes prometteuses bientôt diplômées, leur donnent les clés des négociations et cassent les stéréotypes.
En même temps que le mentorat, des employeurs proposent à certaines collaboratrices, un coach professionnel pour travailler sur leurs propres a priori, stéréotypes et autres travers inconscients. Depuis dix ans, KPMG offre ainsi, aux seniors ou managers qu'il a identifiées, le programme Emergence.
Au menu, pendant neuf mois, des ateliers de développement personnel par un cabinet extérieur, couplés à du mentorat avec d'autres associés, pour ancrer dans les esprits qu'être femme et devenir associée du cabinet, c'est possible !
« Certaines ne l'imaginent même pas, alors qu'elles en ont le potentiel. Environ 200 collaboratrices ont déjà suivi ce parcours et sont devenues associées. Certaines d'entre elles sont même désormais à leur tour mentors », se félicite Laurent Geoffroy, DRH du groupe.
Chez Aigle, depuis 2019, les managers ont été sensibilisés à la nécessité d'accompagner cette transition périlleuse dans la carrière des femmes. « Un moment d'échange notamment est prévu, pour évoquer la suite de la carrière, l'envie d'une promotion ou pas, etc. » souligne Sandrine Conseiller.
Les chartes qui interdisent les réunions aux aurores ou après 18 heures se sont multipliées dans les entreprises pour permettre aux hommes comme aux femmes de consacrer le temps nécessaire aux enfants et à la vie de famille.
C'est aussi une manière de mettre fin au stéréotype selon lequel les femmes qui partent tôt pendant que les hommes organisent les réunions en début de soirée... « Mais, ce qui est important, souligne Thierry de la Tour d'Artaise, c'est de veiller à ce que ces principes soient bien appliqués en réalité. »
Source : Le Figaro