Chargement
ANALYSE. Malgré quelques progrès, les discriminations de genre subsistent sur le continent africain, notamment dans la sphère économique. Enquête.
En septembre 2018 déjà, le président de la Banque africaine de développement (BAD),Akinwumi Adesina, alertait que le statu quo ne peut plus durer sur le continent et qu'« aucun pays ne peut véritablement aller de l'avant au XXIe siècle s'il laisse de côté la moitié de ses talents », plaidait-il alors devant un parterre de personnalités durant la conférence FinDev Canada.
En effet, indique la secrétaire générale sud-africaine du Parlement international de la jeunesse, Thokozile Nhlumayo, « le rôle des femmes dans la sphère économique a toujours été négligé. Même encore aujourd'hui, bien qu'elles accomplissent de grandes choses, elles continuent à être privées de nombreux droits, sous-représentées et, triste constat, sous-protégées dans leurs activités économiques ». En somme, déplore la lauréate du programme Women In Africa (WIA) Young Leaders, « le statu quo n'est toujours pas favorable aux femmes en Afrique ». Les chiffres parlent d'eux-mêmes.
Ainsi, dans une étude publiée en mars 2023 portant sur l'égalité des genres en temps de crise, l'Organisation européenne de coopération économique (OCDE) dresse le constat amer que, malgré des avancées dans des pays comme l'Afrique du Sud, la Côte d'Ivoire, la Namibie, voire le Rwanda, « l'Afrique de manière générale, avec un résultat de 41, révèle un niveau de discrimination supérieur à la moyenne mondiale (30) dans les domaines de la famille, des libertés civiles, de l'intégrité physique et de l'accès aux ressources ».
Au niveau conjugal, observe la Nigériane Mariam Momodu, associée en droit des sociétés et droit commercial chez Dentons Canada LLP, « les femmes paient souvent le prix invisible du travail à la maison. Résultats : les hommes disposent en moyenne de 10 % de plus de temps que leur conjointe pour se consacrer à leurs activités entrepreneuriales et professionnelles ». Côté financier, elles ne sont pas mieux loties non plus.
Or, force est de constater que la contribution des femmes profite à la vie économique africaine. Dans le secteur de l'agriculture par exemple, explique Thokozile Nhlumayo, « elles y sont les plus grandes contributrices avec plus de la moitié d'entre elles qui y constituent la main-d'œuvre » dans une filière qui représente plus de 25 % du PIB du continent.
« Bien qu'il y ait la question de l'éducation et de la formation, des prérequis pour répondre aux besoins du marché du travail en constante évolution », souligne Mariam Momodu, « il s'avère nécessaire de développer des compétences non techniques, pour permettre aux femmes de gagner en confiance et les aider à prendre conscience de ce qu'elles peuvent accomplir ».
Au niveau réglementaire, mentionne la dirigeante de l’organisation parlementaire, « l’instauration de quotas de femmes dans les conseils d’administration des grandes entreprises apparaît comme un point important » car, selon une étude récente réalisée par le cabinet Heidrick & Struggles, « actuellement, seuls 5 % des directeurs généraux dans le monde sont actuellement des femmes ». Or, lorsque les femmes occupent des postes de direction, le rendement est de 34 % supérieur à la moyenne.