Vingt
ans après l’adoption de la loi sur la parité en politique, les femmes
accèdent enfin un peu plus à la fonction de maire. Mais leur nombre
reste toujours loin des 50 %.
Les
femmes ne représentaient jusqu'à présent que 17 % des maires. Mais ce
chiffre de la Direction générale des collectivités locales devrait
gonfler après ces municipales car ce cru 2020 marque un vrai pas en avant pour les femmes en politique,
longtemps cantonnées aux dossiers dits « féminins », comme la vie
scolaire ou les associations. Après leur résultat de dimanche soir,
plusieurs vont prendre la tête de grandes villes.
Plus de femmes têtes de liste en 2020
La
loi sur la parité en politique a fêté ses 20 ans le 6 juin dernier,
dans l'indifférence. Elle impose que les partis politiques présentent
autant d'hommes que de femmes, ce qui a permis, en 2017, de faire élire
38,8 % de députées. Mais pour un scrutin de listes comme les
municipales, la règle, applicable dans les communes de plus de 1000
habitants, n'amène pas naturellement à désigner des maires femmes. Il
faut pour cela une véritable volonté. Pour ce scrutin de 2020, 77 % des
têtes de liste étaient des hommes contre 23 % des femmes. C'est encore peu mais en nette progression par rapport à 2014 (17 %).
Est-ce
un hasard si cette édition 2020 est marquée par une poussée des
écologistes ? C'est EELV qui a fait le mieux, en présentant 39 % de
femmes têtes de liste, devant la France insoumise (37 %), le Parti
communiste (31 %). Loin derrière, les PS, LR, LREM, RN, ont présenté un
petit quart de femmes en position de prendre les rênes des communes. «
EELV a toujours été une formation plus paritaire, oui, mais ça ne
concerne pas que ce parti et les têtes de liste élues dans les très
grandes villes n'en sont pas toutes issues », estime Marion Paoletti,
maîtresse de conférences en sciences politiques à Bordeaux et
spécialiste de la mise en œuvre de la réforme paritaire.
Des femmes à la tête de la moitié des plus grandes villes
En
2014, elles étaient trois. Elles seront bientôt cinq. Soit la moitié
des maires des dix plus grandes villes de France pour une population de
3,88 millions d'habitants. Anne Hidalgo à Paris, Martine Aubry à Lille
et Johanna Rolland à Nantes ont été réélues. Elles seront rejointes dans
ce club devenu paritaire par Jeanne Barseghian à Strasbourg
et par Michèle Rubirola (ou Martine Vassal) à Marseille. Jeanne
Barseghian, juriste spécialisée en droit de l'environnement, est âgée de
39 ans. Conseillère municipale depuis 2014, elle a aussi été
conseillère à l'Eurométropole de Strasbourg avant d'en partir en 2018
pour un désaccord sur le grand contournement ouest de Strasbourg.
Médecin, Michèle Rubirola, arrivée en tête à Marseille, a plus
d'expérience en politique, elle qui a tenté deux fois d'obtenir un siège
de député, en 2007 et 2012, avant de devenir conseillère départementale
d'opposition.
Les villes moyennes se féminisent aussi
En
2014, dans les 40 villes de plus de 100 000 habitants de France
métropolitaine, on comptait six maires femmes, dont celles de Paris et
Lille. Lorsqu'elles auront passé l'écharpe, dans quelques jours, on en
dénombrera dix. Nathalie Appéré (PS associée aux écologistes) a conservé
sa ville de Rennes, Brigitte Fouré (UDI) celle d'Amiens, Michèle Lutz
(LR) Mulhouse, et Maryse Joissains-Masini (UMP), libérée par la Cour de cassation d'une peine d'inéligibilité,
celle d'Aix-en-Provence. Ces pionnières de villes moyennes ont
notamment été rejointes dimanche soir par Anne Vignot et Léonore
Moncond'huy, deux écologistes qui ont emporté Besançon et Poitiers.
Dans
les 120 villes de plus de 50 000 habitants, la part de femmes maires a
notablement progressé en un mandat : elle est passée en France de 10,8 à
18,3 % entre 2014 et 2020.
Symbole supplémentaire : même Biarritz (25 000 habitants), pour qui deux ministres hommes, Didier Guillaume et Jean-Baptiste Lemoyne, avaient des yeux de Chimène avant de devoir abandonner, a désigné une femme en la personne de Maider Arosteguy.
Une vraie parité en… 2046 ?
«
On voit qu'il y a eu un temps de latence, poursuit Marion Paoletti : en
2001, il ne s'est pas passé grand-chose ; en 2007 on a eu la parité
dans les conseils municipaux et en 2008 les femmes ont été élues
adjointes. En 2014 (quand la barre des 1 000 habitants remplace celle des 3500, NDLR),
la percée a été maigre sur la question du leadership féminin. Il a donc
fallu un mandat de plus pour que les femmes progressent » dans la
hiérarchie des responsabilités municipales ou « endossent le costume de
role model » pour donner envie à la génération suivante.
Une progression nette, donc, mais qui reste lente. A ce train-là, il
faudra théoriquement attendre 2046 pour atteindre une quasi-égalité
entre maires femmes et maires hommes.
Source : Le Parisien