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Portée à la tête du Conseil national de l’Ordre des experts-comptables le 21 décembre 2022, Cécile de Saint Michel est la seconde femme, après Agnès Bricard, à accéder à la présidence de cette institution. Retour sur un parcours marqué avant tout par le besoin de s’investir pour être utile auprès des autres.
A la différence de certaines consœurs ou certains confrères, Cécile de Saint Michel n’est pas tombée dans la marmite de la comptabilité quand elle était petite, mais sa famille baigne néanmoins dans le domaine – intimement lié – de l’entrepreneuriat. « Je ne suis pas d’une famille versée dans les professions du chiffre, confie-t-elle. Je suis d’une famille de commerçants et d’artisans depuis plusieurs générations. »
Alors d’où lui vient l’envie – précoce – de faire carrière dans le secteur de l’expertise comptable ? Tout simplement en assistant, enfant, à l’accompagnement de l’expert-comptable chez son père entrepreneur. Cette image d’une fonction utile et concrète de conseil l’a très tôt séduite. « J’ai toujours vu, notamment chez mon père qui était garagiste, le collaborateur ou l’expert-comptable venir faire la comptabilité. Et c’est quelque chose qui me plaisait bien : l’accompagnement qu’il proposait, le conseil. Face aux difficultés que pouvaient rencontrer mes parents par rapport à la conduite de leur activité, j’ai trouvé cela très bien et vers l’âge de 15 ans, j’ai décidé que je voulais être expert-comptable », se souvient-elle.
Le cap étant résolument fixé, ce qui est notable car, au fond, la vocation précoce pour la comptabilité est assez rare, Cécile de Saint Michel se lance dans les études et suit un parcours classique vers l’expertise comptable. Elle commence à travailler en cabinet et le contexte lui plaît, notamment la relation avec le client, un rapport avant tout marqué par la confiance. « Ce qui est enrichissant dans ce métier de collaborateur, c’est l’accompagnement que l’on peut prodiguer et la confiance de nos clients dans nos compétences, explique-t-elle. On nous écoute, c’est quelque chose de très valorisant, quelque chose que l’on ne peut pas rencontrer ailleurs dans d’autres métiers. Ils ont un problème, leur premier réflexe : je vais appeler mon comptable. Ils ne décident de rien sans nous en informer. C’est là une preuve que notre métier a un vrai rôle à jouer dans le tissu économique. »
Puis famille d’entrepreneurs oblige, Cécile de Saint Michel recherche l’indépendance professionnelle et souhaite travailler à son compte. En 2000, cette mère de trois enfants crée alors son propre cabinet, CSM Expertise. Une structure qui promeut avant tout la relation humaine : « Ce qui m’intéresse dans ce métier, au-delà de la partie technique, c’est la relation que l’on développe avec les chefs d’entreprise. Certains de mes clients sont aujourd’hui des amis ! Et beaucoup d’experts-comptables sont comme cela. Mon cabinet existe depuis vingt-trois ans. J’ai connu la naissance de leurs enfants et toutes les difficultés qu’ils ont pu rencontrer à titre personnel. Car, en fait, nous sommes au courant de toute leur vie ! »
Ce rapport de proximité et cet attachement profond à l’humain débouchent sur une vision, chez CSM Expertise, qui privilégie la relation client et dessine un rôle pour l’expert-comptable de facilitateur auprès des dirigeants. Tel est le regard de Cécile de Saint Michel sur son métier, son entreprise et les valeurs qu’elle souhaite lui faire véhiculer : « Ce que j’essaie de développer, de transmettre à mes collaborateurs et à mes jeunes associés, c’est la considération envers nos clients, qui sont des êtres humains, et le fait de prendre en compte leurs contraintes avant les nôtres. Ce sont des entrepreneurs. Ils sont débordés, ils courent partout. Nous sommes là pour les aider ! Nous ne devons pas être un frein ou un obstacle au développement de leur activité. Nous sommes des facilitateurs pour nos clients. C’est la première chose que je demande à mes collaborateurs. C’est ainsi que l’on jouera vraiment notre rôle, à savoir permettre aux dirigeants de conduire leurs affaires de manière fluide en leur évitant les obstacles. »
Mais Cécile de Saint Michel, c’est aussi bien entendu une vie d’engagement avec le désir farouche de s’investir pour être utile à ses consœurs et ses confrères, et plus largement au sein de l’écosystème économique et entrepreneurial.
Active sur le plan local, Cécile de Saint Michel est notamment trésorière de la CPME et de la Chambre de commerce et d’industrie territoriale de Seine-et-Marne, mais aussi vice-présidente de la commission des finances de la CCIR de Paris. « Ces mandats, que j’ai eus avant de devenir présidente du Conseil national de l’Ordre des experts-comptables, m’intéressent car ils sont toujours en lien avec l’activité économique et le monde de l’entreprise, explique-t-elle. C’est aussi une manière de rencontrer les dirigeants dans un autre contexte et d’avoir ainsi un retour éventuel sur les difficultés auxquelles ils peuvent faire face dans un cadre différent, selon un prisme, une version que l’on ne perçoit pas forcément en tant qu’expert-comptable. »
Au sein du monde du chiffre, Cécile de Saint Michel choisit, dès le début de son exercice libéral de la profession, de se mettre au service de ses consœurs et de ses confrères. C’est ainsi qu’elle adhère au syndicat ECF avant d’assumer des responsabilités institutionnelles de plus en plus importantes. En 2012, elle est élue à l’Ordre des experts-comptables de Paris Ile-de-France sous la présidence de Julien Tokarz. Présidente elle-même de l’Asforef pendant presque huit ans, elle contribue au développement de cet institut régional de formation de l’Ordre francilien et de la CRCC de Paris, devenu Sup’Expertise en 2021 après sa fusion avec le centre de formation d’apprentis ACE. En 2016, elle devient vice-présidente de l’Ordre de Paris Ile-de-France et prend la tête de la commission Formation de cette institution. Puis, en 2020, élue au CNOEC sur la liste ECF, elle assure la direction du CFPC, le centre de formation de la profession comptable, où elle pilote la stratégie d’ingénierie des enseignements.
Autant dire que l’engagement institutionnel de Cécile de Saint Michel au sein du monde du chiffre est traversé par un axe relativement clair : celui de la formation. « J’estime – et je le dis assez régulièrement – que la formation est une des pierres angulaires de notre profession, rappelle-t-elle. Sans formation, on ne peut pas exercer. La formation, c’est aussi la transmission du savoir aux générations qui viennent. C’est donc un élément très important pour la pérennité de la profession. Enfin, au vu des modifications qui arrivent, face aux nouveaux enjeux soulevés notamment par la facture électronique, la formation sera indispensable pour amener les professionnels vers une nécessaire évolution. »
Aujourd’hui présidente du Conseil national de l’Ordre des experts-comptables, élue le 21 décembre 2022, Cécile de Saint Michel est très consciente des responsabilités inhérentes au poste. « Je n’ai que des obligations sur cette fonction, livre-t-elle. J’ai l’obligation de représenter du mieux que je peux l’ensemble de mes consœurs et de mes confrères. Je suis là pour promouvoir et défendre la profession des experts-comptables. Ce n’est pas un droit d’être présidente du Conseil national. Ce ne sont que des obligations et j’ai cette chance de pouvoir défendre les professionnels par rapport à tout notre environnement. J’espère les représenter de la meilleure façon. »
Par ailleurs, fait qui mérite d’être souligné, depuis 1945, date de la création de l’Ordre des experts-comptables, Cécile de Saint Michel n’est que la seconde femme après Agnès Bricard à accéder à la présidence de cette institution. Un chiffre – très faible – qui souligne le problème de la parité dans l’écosystème du chiffre mais qui témoigne aussi peut-être d’une évolution actuelle de la profession dans un sens plus favorable aux femmes.
« J’espère être un exemple pour mes consœurs en incarnant le fait que c’est possible, on peut le faire, témoigne Cécile de Saint Michel sur ce sujet de la parité. Certaines consœurs peuvent se fixer un plafond de verre toutes seules. Mais on peut être présidente du Conseil national ou d’un Conseil régional. Nous sommes d’ailleurs six femmes à être présidentes dans la profession, au national ou au régional. Donc on voit qu’il y a quand même un mouvement de féminisation de la profession, notamment dans la représentation de celle-ci, qui s’accélère. Virginie Roitman est aussi présidente de l’Ordre de Paris Ile-de-France qui est la région la plus importante. Je pense que cela donne une nouvelle image de la profession. »
Cécile de Saint-Michel précise néanmoins que l’essentiel n’est pas là et qu’il serait dommage bien entendu de résumer son mandat au simple fait qu’elle est une femme. Alors sur le fond, quels sont ses principaux axes d’action en tant que présidente de l’Ordre des experts-comptables ? Sans surprise, « la formation est la priorité » selon Cécile de Saint-Michel. « Et cela va de pair avec les autres chantiers qui sont en cours : la facture électronique, la data, l’intelligence artificielle, qui entrent dans nos métiers et nous obligent à changer de posture, cela va révolutionner nos cabinets, estime la présidente. Après, nous avons un second chantier qui est la partie durabilité. Les experts-comptables ont un rôle primordial à jouer sur ce terrain. La décarbonation des entreprises ne passera pas sans notre accompagnement. »
Un programme particulièrement chargé donc sur ce double plan de la technologie et de la RSE ! Avec en toile de fond, la formation qui assure la cohérence mais aussi tout simplement la faisabilité de l’ensemble, puisque ces deux évolutions incontournables appellent bien entendu de nouvelles compétences de la part des professionnels.
Un programme bien chargé et Cécile de Saint Michel le confirme : « Je ne vais pas vous cacher que le rôle de présidente du Conseil national est très prenant. » Néanmoins, la patronne des experts-comptables réussit à préserver certains moments pour elle-même, notamment le week-end, le temps d’un footing ou de se livrer à sa passion, l’équitation.
« La présidence du CNOEC est une parenthèse dans ma vie professionnelle, confie-t-elle. Mon mandat s’arrête fin 2024, comme vous le savez. Mais c’est une expérience passionnante, dans laquelle je m’engage à fond. »
Source: Le monde du chiffre