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Le prix Goncourt des lycéens 2020 remis à Djaïli Amadou Amal pour "Les impatientes"


Le prix Goncourt des lycéens 2020 remis à Djaïli Amadou Amal pour
JOEL SAGET via Getty Images Djaïli Amadou Amal, ici au mois de novembre 2020.
  • 02 Decembre 2020

Le livre "Les impatientes" a été publié aux éditions Emmanuelle Collas, au mois de septembre 2020.

Djaïli Amadou Amal a reçu, ce mercredi 2 décembre, le prix Goncourt des lycéens 2020 pour son livre Les impatientes. Celle-ci succède ainsi à Karine Tuil, lauréate de l’édition précédente, récompensée pour son roman Les choses humaines.

Le 33e prix a été attribué deux jours après la proclamation de son grand frère le Goncourt, à l’issue d’une réunion en visioconférence d’un jury national de lycéens. Depuis deux mois, près de 2000 élèves de toute la France sont engagés dans la lecture des 14 romans sélectionnés par l’Académie Goncourt.

En raison du contexte épidémique, les traditionnelles “rencontres régionales” entre auteurs et lycéens, l’occasion pour les seconds d’assaillir les premiers de questions, ont été organisées virtuellement du 5 au 13 novembre.

La parole aux femmes

À la suite des délibérations en classe, cinq auteurs étaient encore en lice face à Djaïli Amadou Amal: Miguel Bonnefoy (Héritage), Lola Lafon (Chavirer), Hervé Le Tellier (L’Anomalie), Maud Simonnot (L’enfant céleste) et Camille de Toledo (Thésée, sa vie nouvelle).

Le roman Les Impatientes, paru aux éditions Emmanuelle Collas, donne la parole à trois femmes peules à qui l’on ne cesse d’assener “Munyal”, patience en peul, pour leur faire accepter leur destin et sa violence induite, le mariage forcé et la polygamie.

“Je suis une femme africaine, je vis au Cameroun et donc j’ai décidé de parler de cette société du point de vue des femmes car on ne donne pas suffisamment la parole aux femmes et surtout pas dans le Sahel”, insiste-t-elle à l’AFP.

Une combattante

Née dans la région camerounaise du Maroua d’une mère égyptienne et d’un père camerounais, Djaïli Amadou Amal est une combattante. Mariée à l’âge de 17 ans à un quinquagénaire qu’elle ne connaissait pas, elle parvient, cinq ans plus tard et dans la difficulté, à divorcer.

Dix ans plus tard, elle se remarie mais est victime de violences conjugales. Alors qu’elle parvient à s’échapper de l’emprise de cet homme, il kidnappe ses deux filles pour la faire revenir. Dans le même temps, elle s’accroche pour terminer un BTS en gestion, seules études que son époux l’a autorisée à suivre, même si elle admet qu’elle aurait préféré faire des études littéraires. 

Son salut, elle le trouvera dans la littérature. D’abord la lecture, qui lui permet de ”[s]‘évader”. Elle dévore les livres de l’autrice sénégalaise Mariama Bâ ou du Malien Seydou Badian Kouyaté, avant de prendre la plume, pour pouvoir “dire ce qu’[elle] ressent”.

Son tout premier texte, elle décidera toutefois de ne pas le publier. En 2010, elle finit par sauter le pas avec Walaande, l’art de partager un mari, qui raconte l’attente sans fin de quatre femmes mariées au même homme. Le livre est un succès en librairie au Cameroun, pays où elle accède à la notoriété. En 2012, elle est invitée au Salon du livre de Paris.

Une société patriarcale violente

Dans Les Impatientes, la romancière décrit, dans un style simple et rythmé par des phrases courtes, une société patriarcale qui brise les femmes. Et d’énumérer: “le mariage précoce et forcé comme l’une des premières violences, le viol conjugal qu’on ne veut pas reconnaitre comme tel, les violences physiques et enfin la polygamie comme violence morale.”

La romancière s’attache aussi à montrer à quel point les femmes, d’abord victimes, reproduisent de manière inconsciente ces violences, que ce soit dans le cadre de l’excision ou du mariage forcé où le rôle de la mère “dans la persuasion et le harcèlement” de la jeune fille est important, selon elle. “Ces femmes n’agissent pas ainsi par méchanceté mais parce qu’elle n’ont connu que ce système qu’elles ont pour rôle de reproduire”, souligne la romancière, pour qui il faut une “prise de conscience des femmes”.

Pour aider à cette prise de conscience, elle a créé dès 2012 l’association Femmes du Sahel, qui œuvre en faveur de l’éducation des filles de la région. Car si elle se dit “chanceuse d’être allée à l’école” et d’avoir pu faire un BTS, “la réalité est tout autre pour des milliers de petites filles du Sahel”.

AFP


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