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A l’évidence, le sujet suscite l’intérêt. Après nous avoir interpellés sur le « monde d’après », la crise nous interroge sur l’évolution du leadership, à l’épreuve de la pandémie. Le leader post-Covid sera-t-il fondamentalement différent de celui d’hier ?
Depuis plus d’un an, les dirigeants du monde entier sont confrontés à un même défi : piloter l’incertitude, version XXL. Plans stratégiques et prévisions se heurtent à l’instabilité, voire à l’hostilité, d’un environnement hors de contrôle. Mais au-delà de la crise sanitaire, la complexité est manifestement devenue la norme. Je le mesure chaque jour, depuis le poste d’observation privilégié qu’est Sodexo. Dérèglement climatique, fragilisation du tissu social, accélération des nouvelles technologies : nos modèles traditionnels sont durablement mis à l’épreuve des bouleversements du monde. Et les entreprises, et donc leurs dirigeants, se doivent de plus en plus de contribuer à apporter des réponses à nos défis collectifs.
Au sein même des entreprises, l’expérience que nous venons de vivre nous questionne : après cette épreuve, les attentes des équipes à l’égard des dirigeants seront-elles profondément transformées ?
La considération
J’ai été frappée que, dans une récente étude du BCG, ce ne soit pas la bienveillance – devenue, avec la résilience, l’un des mots d’ordre de notre époque – mais bien la considération qui arrive en tête des qualités du dirigeant idéal. C’est une notion qui m’est particulièrement chère : elle constitue, pour moi, la pierre angulaire du leadership. D’abord, parce qu’elle implique le respect, préalable de l’exigence. Côté pile, la considération est la condition sine qua non de la responsabilisation. Et dans une entreprise comme la nôtre, riche de 420.000 collaborateurs qui sont, chaque jour, le visage de Sodexo pour nos clients, ce n’est pas un vain mot. Côté face, elle implique un parler-vrai de la part du dirigeant, y compris en période de tempête. Elle est au fondement de la confiance – et donc de l’engagement individuel, et de la réussite collective.
Inédite et imprévisible, la pandémie nous a contraints à beaucoup d’humilité. Une qualité qui restera essentielle, à l’heure du management en milieu volatil. La crise nous a rappelé ce qui est le cœur du leadership : la nécessité de challenger en permanence, et, en retour, d’accepter – et même de solliciter – le challenge. Cela suppose de chercher à tout prix à s’entourer des meilleurs. Car non, le dirigeant ne sait pas tout. Sa force vient aussi de sa capacité à s’appuyer sur des profils qui le – ou la – surpassent dans leur domaine. Challenger les équipes, ensuite, implique d’encourager l’initiative, en leur offrant les marges de manœuvre nécessaires. Cela va de pair avec un principe ancré dans l’ADN de notre entreprise : le droit à l’erreur. Il est le corollaire de l’esprit de progrès, l’une de nos valeurs fondatrices.
La crise, un accélérateur
Enfin, en ces temps incertains, rester maître du temps est essentiel. Gérer le court terme, tout en s’inscrivant dans le temps long pour garder son cap stratégique : telle est l’équation à résoudre pour préserver la stabilité de l’entreprise, et donner du sens à son action. C’était déjà la mission fondamentale du dirigeant avant la pandémie : elle en sortira probablement renforcée.
Car je crois qu’in fine, dans le domaine du leadership comme dans bien d’autres, la crise a agi non comme un transformateur, mais comme un accélérateur. Elle a permis à certains dirigeants de se révéler, et d’affirmer leur style. Pour autant, je ne crois pas que de la crise émerge, plus qu’hier, un modèle unique de leadership. De même que je ne crois pas en un leadership qui serait lié au genre ou à l’âge : pour toutes et tous, il se conquiert et s’apprend au quotidien. Car s’il y a bien une chose que le leadership n’est pas, c’est un jeu de rôle : rien ne vaut l’authenticité, et la cohérence avec soi-même.
Source : Page Linkedin Sophie Bellon